mardi 14 janvier 2014

Spéciale dédicace 2014 : le cancer... et les sourds ?

En 2013, le cancer a encore touché ou tué dans mon entourage et celui de mes amis. Et des jeunes trentenaires parmi eux. Le cancer, 1ère cause de mortalité en France. Putain. J'en ai marre. On se sent impuissants face au fléau, mais ne lâchons rien ! Et dans le cas des sourds, comment ça se passe ?

Je vous invite tout d'abord à visionner le superbe documentaire réalisé par "L'Oeil et la Main" (France 5) sur le cas de François Giraud, sourd, emporté à 31 ans par le cancer le 11 septembre dernier, laissant derrière lui, une femme et une fille de 3 ans : "Si j'ai bien compris..."

Source : "L'oeil et la main", France 5
Vous avez vu ? Aux problèmes de santé s'ajoutent ceux de la communication. Hé ho, faut pas pousser Mémé dans les orties !

Dans le reportage, deux passages m'ont particulièrement frappée :

"Parce qu'ils me considèrent comme un handicapé, comme un enfant ? Non, je suis comme les autres. Pourquoi les médecins ont-ils encore cette attitude avec les sourds ? Il faut que ça s'arrête." (François Giraud)

Là, je suis choquée, interloquée, estomaquée. Même en étant gravement malade, il se faisait traiter comme un "débile mental" (encore cette association pourtant désuète de nos jours...). C'est aberrant !

Moi, sourde, cela me rappelle un médecin qui me parlait, lors des consultations, de manière succincte, elliptique et surtout simpliste (alors que j'ai un Bac + 5...). Avec lui, il faut carrément tirer les vers du nez. Ayant eu assez de cette situation qui se répétait chaque fois que j'allais le voir, j'ai fait venir lors de la dernière consultation une interprète en LSF. Ô miracle, il s'est lâché ! Il a pu s'adresser à moi comme à n'importe quel patient et est même allé plus loin dans la description des problèmes de santé que j'avais. Ils se sont enfin estompés... justement parce que le traitement était bien suivi alors que je ne l'avais pas bien compris la fois d'avant. Lui poser autant de questions que je voulais était devenu beaucoup plus aisé car cela ne demandait pas d'efforts, ni à moi ni à lui.VOUS VOUS RENDEZ COMPTE ?!

Malheureusement, peu de médecins acceptent volontiers de se faire accompagner d'un interprète LSF. De plus, il y a très peu de Pôles Santé LSF en France...

Pour le cas de François Giraud et des sourds atteints du cancer, je n'ose imaginer les conséquences que les problèmes de communication avec leur médecin peuvent entraîner. Il est inadmissible qu'on les laisse en permanence avec des doutes, des inquiétudes ou des infos tronquées qui peuvent mal finir.

"Pour un médecin, à qui on a toujours inculqué le fait qu'il sait, c'est toujours difficile de se remettre en question, de se dire "Pour tel patient, qui a des problèmes de communication, j'ai des limites pour pouvoir communiquer avec lui." Les professionnels entendants sont souvent persuadés que leur message est bien passé et qu'ils comprennent bien le patient sourd. Dans la réalité, c'est très différent, et on s'aperçoit qu'une bonne partie du message n'est pas passée."
(Dr Vourc'h, La Salpêtrière)

C'est HELAS bien vrai, c'est tout aussi valable pour d'autres domaines : famille, travail, administration... Je me suis aussi rendue compte que des malentendus peuvent se glisser dans le message - qu'on croit avoir compris oralement - aussi bien de son côté que de celui de son interlocuteur. Alors imaginez qu'avec le cancer, en étant sourd, le patient traîne avec lui non seulement la maladie mais aussi des malentendus dont il ne soupçonne pas forcément l'existence... Effrayant.

Les entendants ont beaucoup tendance à nous demander si nous savons lire sur les lèvres (je n'entends que ça depuis toute petite, c'est dire...). Cette tendance est terriblement AGAÇANTE, elle sous-entend que c'est à nous de faire des efforts, pas aux entendants. Nous demander par quel moyen nous souhaitons communiquer serait plus pertinent, cohérent et surtout respectueux de notre personne.

Et lorsqu'on est sourd et gravement malade, franchement, la première chose à penser/faire est d'être soigné "correctement", pas de se faire chier avec ces problèmes de communication !

Morale de l'histoire : chers médecins, si vous rechignez à / refusez d'être accompagnés d'un interprète LSF pour recevoir un patient sourd, c'est que vous n'acceptez pas de le soigner comme il faut.

Après le reportage...

Un voeu très cher à François Giraud : créer une association regroupant les sourds atteints d'un cancer pour qu'ils se sentent moins isolés et qu'une solidarité s'organise entre eux, pourvu qu'un accompagnement LSF adapté se mette en place en milieu hospitalier pour eux. Grâce à sa soeur, sa femme et à un de leurs amis très proches, elle pourra voir le jour et portera le nom de François Giraud.

D'ailleurs, n'hésitez pas à commander des bracelets brésiliens en cliquant ici. Les dons seront reversés à la Ligue contre le Cancer via la jeune association "Un bracelet contre le cancer" et à la future association "François Giraud" lorsqu'elle sera officiellement créée. Achetez, faites-vous plaisir ou offrez à votre entourage ces jolis bijoux de l'espoir... pour le bonheur des malades !


* * *

A la famille de François et aux sourds atteints d'un cancer, je leur dédie ce billet en leur souhaitant une année 2014 pleine de force et de courage pour que le projet se développe rapidement... afin qu'on arrête de dire aux patients sourds "Vous savez lire sur les lèvres ?" lorsqu'il ne leur reste plus beaucoup de temps à vivre.

Merci à notre étoile François Giraud pour ces belles leçons de vie que tu nous as apprises et qui nous seront très utiles dans notre combat pour une plus grande accessibilité aux soins médicaux en matière d'information et de communication.

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